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Antequam... la généalogie !
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  • La généalogie vue autrement... Antequam, Christiane MENOT, est une généalogiste familiale professionnelle qui n'oublie pas ses trente années d'expérience en tant que généalogiste amateur...!
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25 juillet 2020

Claude Ferréol PAGNIER, premier mort de la Guerre de 1870…

Il y a, comme cela, des personnes qui auraient sûrement ne pas être "célèbre" et aimer rester en vie…

Gallica - Le Petit Parisien - Edition du 20 juillet 1890

 

 

 

Dans quelques jours, le 25 juillet, la Société militaire allemande du Krieger Verein, de Niederbronn (Alsace) doit inaugurer, en grande cérémonie, un monument élevé sur la tombe du Lieutenant de dragons badois WINSLOË, qui fut tué, il y a juste vingt ans, jour pour jour, à quelques lieues de cette localité, où une reconnaissance, dont il faisait partie, fut enlevée et sabrée par un peloton de notre brave 12ème Régiment de Chasseurs à cheval.

Là, en effet, furent tirés les premiers coups de feu et tombèrent les premières victimes de cette douloureuse épopée de 1870-1871, car nos chasseurs perdirent dans cette rencontre un de leurs plus vaillants sous-officiers, qui fut également enterré à Niederbronn.

Par un contraste douloureux, alors qu'un véritable monument va s'élever sur la tombe de l'anglo-badois WINSLOË, un petit amas de terre, sans crois, sans inscription, recouvert par les ronces et herbes folles, marque à peine l'endroit où a été enseveli le pauvre maréchal-des-logis PAGNIER – tel était son nom – tombé le premier face à l'ennemi, en vrai fils de la France.

Ce jour-là, 25 juillet 1870, un gendarme de Wœrth, les habits souillés de poussière et monté sur un cheval blanc d'écume, débouchait à fond de train dans les rues tortueuses de Niederbronn, où le 12ème Chasseurs à cheval était arrivé depuis l'avant-veille, et s'écriait d'une voix retentissante : "Aux armes ! L'ennemi est en Alsace !"

De tous côtés, les chasseurs accourent, entourent le gendarme et le conduisent chez le Général de BERNIS, commandant leur brigade. Là, ce soldat raconte que, dans la matinée, une troupe de dragons badois, conduite par quatre officiers et montée de véritable chevaux de steeple, a traversé à fond de train le village de Wœrth en brandissant leurs sabres et en poussant le cri de guerre allemand : "Krieg ! Krieg !"

Cette hardie reconnaissance a disparu dans un nuage semblable à une véritable apparition du chasseur-fantôme et a dû continuer sa course dans la direction de Reichshoffen. Ce sont les premiers Allemands qui ont foulé du pied de leurs chevaux la terre de France : aucun ne doit en sortir.

Aux chasseurs à cheval du 12ème Régiment de Chasseurs, aux hardis sabreurs de Puente-Nacional et de Cholua, au Mexique, l'honneur d'enlever cette reconnaissance et de croiser, les premiers, le fer avec l'ennemi !

Le Général de BERNIS ne perd pas un instant : déjà, la veille, il a parcouru pendant près de quatorze heures, les environs de Niederbronn et s'est fait une idée de la topographie du pays. Se mettant à la tête d'un escadron du 12ème Chasseurs, il se dirige aussitôt, au grand trot, vers Wœrth, interrogeant les paysans qu'il rencontre sur sa route.

Enfin, un peu avant d'arriver dans cette dernière localité, les Alsaciens lui montrent une allée sablonneuse en disant : 'Ils ont passé par là !" En effet, sur le sable, sont marquées les empreintes d'une troupe de cavaliers. L'escadron suit ces traces et, pendant près d'une heure, à travers ce pays accidenté, coupé de taillis, de vergers, de houblonnières, se livre une véritable poursuite de Peaux-Rouges, tantôt perdant, tantôt retrouvant cette piste.

Il fait une chaleur accablante. Le Général de BERNIS s'arrête dans un champ où il fait ranger l'escadron en bataille, prend sa carte, s'orient et suppose que les dragons ennemis ont dû se diriger cers la station de Gundershoffen, qui se trouve on loin de là, afin d'y détruire les fils télégraphistes qui passent à cet endroit et mettent en communication nos différents corps d'armée.

Sur son ordre, le Lieutenant de CHABOT part avec son peloton dans cette direction pendant que l'escadron attend son retour. Le Général a eu une véritable inspiration, car à peine la petite troupe a-t-elle parcouru deux kilomètres, qu'à un tournant de la route, elle aperçoit soudain, assis sur tas de cailloux, à l'entrée d'un chemin creux, un dragon badois vêtu de la tunique bleu ciel et coiffé du casque en cuir bouilli à pointe de cuivre. Cette vedette, à la vue des vestes vertes et des talpacks de nos chasseurs, se met à pousser de véritables hurlements et disparaît dans le sentier en continuant ses vociférations.

Sans hésiter, le Lieutenant de CHABOT et ses hommes se jettent à sa suite dans ce sentier, au fond d'un véritable ravin, à travers les éclaircies du feuillage, on aperçoit des toits de chaumes : c'est le hameau de Schirlenhoff, où les premiers ennemis, se croyant à l'abri, se sont arrêtés un instant pour faire reposer leurs hommes et leurs chevaux.

A l'entrée de Schirlenhoff se trouve une auberge située au fond d'une cour entourée de palissades et où apparaissent des uniformes allemands. Nos chasseurs arrivent au galop. Une décharge à bout portant les accueille. Le Maréchal-des-logis PAGNIER, que son ardeur a entraîné au premier rang, est frappé d'une balle en pleine poitrine et tome raide mort. C'était un vieux soldat d'Afrique et du Mexique, décoré de la Légion d'Honneur et de la Médaille Militaire.

La situation est critique. Nos chasseurs ne sont que seize et ont devant eux, au moins, un pareil nombre de soldats déterminés, armés de mousquetons et retranchés. Une minute d'hésitation, une seule et nos chasseurs sont ramenés.

Le Lieutenant de CHABROL n'hésite pas et, sautant à bas de son cheval "Pied à terre, en avant !" s'écrie-t-il, et il s'élance vers l'entrée de la cour. Ses hommes, abandonnant leurs chevaux au hasard, se pressent à sa suite. Les dragons ennemis essayant de repousser les assaillants, on s'attaque au tranchant et à la pointe du sabre, ainsi qu'à coups de crosse, car on n'a as le temps de recharger les carabines.

Devant la fougue toute françaises des chasseurs, les Badois lâchent pied et essayent de se réfugier dans l'écurie où ils ont abrité leurs chevaux. Deux officiers de dragons, MM. De WECHMAR et de VILLERS, sont désarmés et faits prisonniers, malgré leur défense désespérée. Ce dernier, un grand jeune homme blond, a reçu une longe balafre au travers du visage. Un troisième officier, anglais d'origine, au service du Grand-duché de Bade, le Lieutenant WISLOË, engage un véritable combat singulier avec le Lieutenant de CHABOT. Tous deux ont le sabre dans une main et le révolver dans l'autre. Vivement pressé, WISLOË recule jusqu'à la porte de la salle du rez-de-chaussée de l'auberge, contre laquelle il s'adosse et tire, à bout portant, sur le Lieutenant de CHABOT, trois coups de revolver que celui-ci évite en baissant sa tête.

L'officier français fait feu à son tour, et son adversaire, atteint mortellement au bas-ventre, tombe à la renverse contre la porte que le poids de son corps fait ouvrir et derrière laquelle il disparaît.

Les dragons badois, qui sont au nombre d'une douzaine, voyant leurs officiers hors de combat, jettent leurs armes et se rendent prisonniers. La plupart sont couverts de sang, trois d'entre eux gisent à terre dans un piteux état.

Malheureusement, un officier allemand ne peut pas être retrouvé. C'est le Capitaine d'Etat-major wurtembergeois, le comte ZEPPELIN, chef de la reconnaissance. Dès le commencement de l'escarmouche, voyant que tout était perdu, cet officier s'est glissé par une porte de derrière de l'écurie qui donne sur la campagne. Là, trouvant des chevaux que les chasseurs ont lâchés dans l'aventure pour se jeter à l'attaque de l'auberge et s'élançant sur l'une de ces montures, le comte ZEPPELIN part à fond de train. Au bruit, des Français accourent et voyant la fuite des Allemands, lui donne une chasse des plus vigoureuses. Le chasseur, dont le cheval a été enlevé, se montre un des plus acharnés, mais l'officier allemand a pris une trop longue avance et disparaît au loin.

Cependant, l'escadron de chasseurs, qui a été averti par une estafette dès le début de l'engagement, est accouru, le Général de BERNIS en tête. On fouille l'auberge et le Lieutenant WINSLOË est trouvé, caché dans un lit où il s'était glissé ente deux matelas. Ce malheureux râlait affreusement, transporté à Niederbronn, sur la même charrette où on avait déposé le cadavre de PAGNIER. Il y mourut le soir-même.

Au moment où l'escadron de chasseurs quittait Schirlenhoff, emmenant ses prisonniers, l'aubergiste qui, pendant la bataille, s'était tenu caché dans sa chambre, apparut encore tout tremblant et son bonnet à la main : "Et ma note ? qui paiera ma note ? "Bah !' lui répondit le Général de BERNIS "La France est assez riche pour payer" et il solda, plus que généreusement, la note en question.

Le lendemain, le Lieutenant WINSLOË et le Maréchal-des-logis PAGNIER furent enterrés dans le petit cimetière de Niederbronn. Nous avons dit dans quel état d'abandon se trouve la tombe ce dernier.

Que ses anciens compagnons d'armes se souviennent ! Que les jeunes sous-officiers et chasseurs du 12ème Régiment pensent à leur aîné en 1870 ! Et qu'une souscription, où chaque chasseur apportera son obole, permette que la tombe de Claude Ferréol PAGNIER, Maréchal-des-logis au 12ème Régiment de Chasseurs, le premier Français tué à l'ennemi, le 25 juillet 1870 !

C'est le Colonel X… qui signe cet article dans "Le Petit Parisien" le 20 juillet 1890…

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