Les baux à vaches…
Les documents que j'aime consulter aux Archives départementales sont ceux des notaires ! Outre les classiques contrats de mariage, Il y a de tout, absolument de tout : les remplacements militaires, les contrats d'apprentissage, les baux à ferme ou d'habitation, les quittances, … Là, ce sont des baux à vaches…
En 1799, Jean PINARD est cultivateur à la ferme de Faronville, sise commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole, en Seine-et-Marne. Blanche, son épouse, est enceinte de cinq mois et mère d'un garçon, Jean Gilles, âgé de deux ans. Le 28 avril, en l'étude de Me THIERRY, notaire à Melun, il signe deux baux à vaches avec deux Seine-portais.
Le premier bail est signé avec Philippe MURET, 48 ans, jardinier, remarié avec Marguerite BARRÉ, et père de quatre enfants en vie. La vache louée est "sous poil veri sur blanc", âgée de cinq à six ans, et pleine de son veau.
Le second bail est signé avec Claude PARENT, 29 ans, manouvrier, époux de Marie Louise Anne DENIZOT, même âge. Le couple est récemment marié, 1796, et est parent d'une fille, Marianne Catherine, 2 ans. La vache louée est "sous poil rouge", aussi âgée de cinq à six ans et pleine de son veau.
Les conditions de location sont très précises - "Les preneurs reconnaissant avoir en leur possession, à la charge par eux, ainsi qu'ils s'y obligent solidairement, héberger ladite vache et de l'envoyer paître dans les temps de saisons convenables en bonne de leur garde de sorte qu'il n'arrive rien par leur faute."
Si la vache venait à mourir pendant le cours du bail - "Les preneurs seront tenus de rapporter, dans les vingt-quatre heures, la peau de ladite vache avec un certificat du maréchal ou autres personnes expertes qui l'auront vue aussi et médicamentée, a leurs frais."
Si le preneur est responsable de la perte de la vache - "Dans le cas de perte par leur faute, les preneurs seront responsables des évènements et tenus d'en payer le prix à la première réquisition du bailleur d'après l'estimation qui en sera faite par des experts".
Les conditions financières - "Le bail est fait aux conditions et en outre moyennant quinze francs de loyer que les preneurs promettent et s'obligent de payer au bailleur en sa demeure ou au porteur par chacun an le neuf floréal, jusqu'en fin desdites trois, six ou neuf années".
Ces baux étaient intéressants pour les preneurs : ils avaient, certes, l'entretien de la vache, mais pouvaient ensuite vendre le veau, le lait et tous les produits dérivés. Ou, s'ils étaient une famille nombreuse, pouvoir se nourrir de produits laitiers.
A cette époque, la commune de Seine-Port avait un pâtre communal : sa responsabilité, comme le nom l'indique, était d'emmener le bétail sur les terres autorisées, celles des Uzelles. Le pâtre devait rassembler les bêtes, puis traverser le village avant d'arriver sur lesdites terres, terres prêtées par les propriétaires, les abbés de l'Abbaye de Barbeau, du village limitrophe de Boissise-la-Bertrand. Ainsi, dans la commune de Seine-Port, une longue rue a été appelée, dans sa première partie, la rue aux Vaches, puis, le chemin aux Vaches, aujourd'hui, rue Desmazures-Mentienne, enfin, dans sa dernière partie, c'est aujourd'hui un bout de la route départementale 82.
Encore une belle découverte que ces baux ! Ils m'ont aussi permis de comprendre pourquoi "la rue aux vaches" dans mon village…