Challenge Upro-G : Jean Pierre CHEVET, multi récidiviste…
Multirécidiviste ne signifie pas grand-chose. En effet, dans le cas présent, Jean Pierre CHEVET n'est accusé que de braconnages, mais très régulièrement…
Jean Pierre CHEVET nait le 29 août 1849 à Pezou, dans le Loir-et-Cher. Il est fils de Jean Pierre, 34 ans, et Marie Louise HURSON, 33 ans. De cette union, Il a deux grandes sœurs, Louise Henriette et Désirée Joséphine. Sa mère décède en 1851 et son père se remarie en 1852. De cette seconde union, Jean Pierre a six frères et sœurs dont seulement trois restent en vie : Alexandre Basile, Augustine Célestine et Jean Constant Célestin.
Au recensement de sa classe, en 1869, Jean Pierre est exempté par le tirage au sort. Il quitte le foyer familial le 21 novembre 1871 lorsqu'il épouse Marie Adolphine EDECHASSE, domestique et enfant assisté de la Seine.
La contraception n'existant pas encore, Jean Pierre et Marie Adolphine vont fonder une grande famille …
Léa Delphine naît en 1872, Pierre Léon en 1874 et la première condamnation de Jean Pierre CHEVET a lieu en 1875 : il est accusé de braconnage. Le Tribunal correctionnel de Vendôme le condamne à 10 jours d'emprisonnement pour le délit de "chasse à l'aide d'engins prohibés" et à 50 francs d'amende. Il entre en prison le 14 avril pour en être libéré le 24 avril … !
Les renseignements issus du registre d'écrou donnent le détail de sa tenue : 1 casquette noire, 1 blouse bleue, 1 cravate verte, 1 gilet noir, 1 tricot en coton bleu, 1 chemise de coton bleu, 1 pantalon brun, 1 caleçon coton blanc, 1 paire de bas bleus, 1 paire de souliers et un mouchoir en Jeanne.
La famille s'agrandit l'année suivante par la naissance de Louise Adelphine. Le couple investit dans les terres et achète deux terrains à Fontaine, hameau de la commune de Pezou : un jardin d'une superficie de 3 ares 75 et une terre de 8 ares 59. En 1877, naît Onésime Marthe Aurélie. En 1878, le couple achète une parcelle de bois d'une superficie de 3 ares 50. L'année suivante, il investit dans l'achat d'une maison dans le même hameau. Etait-ce en prévision de la naissance de Hyppolite Albert ?... Il est à penser que la famille n'est pas sans le sou au regard des investissements, mais nous sommes en 1879 et le foyer compte déjà cinq enfants ! Jean Pierre a-t-il compris la leçon de la prison : a-t-il arrêté le braconnage ou a-t-il réussi à ne pas se faire prendre ?...
En 1881, Jean Pierre achète d'autres parcelles sur le hameau de Bellessort ainsi qu'une maison. En 1882, il revend les deux maisons. Besoin d'argent ? En 1882, il se fait surprendre à braconner : un mois de prison avec une amende ; il est écroué pour contrainte par corps [il ne peut pas payer la dette]. La même année, il écope à nouveau d'une peine pour le même délit : deux mois ; entré le 23 septembre 1882, il sort de prison pour Noël.
1884, année de la naissance et du décès de Louis Pierre, Jean Pierre est condamé, toujours pour le même délit : deux mois ramenés à un après appel, du 20 mai au 19 juin.
Le 17 avril 1885, nouvelle naissance : Jules Adrien Pierre, le couple achète un terrain de vignes au couple BOIS-VESLÉ, 6 ares 10.
Et patatra !
Jean Pierre CHEVET est impliqué dans le "crime de la Gaudinière". Le 11 mars 1888, trois amis, Alexis FICHEPAIN, Adrien POIDRAS et Jean Pierre CHEVET surnommé QUATR'HABITS partent tôt le matin pour braconner. En fin de journée, alors qu'ils étaient sur le retour, les trois compères se font surprendre par des garde-chasses du Château de la Gaudinière. Adrien POIDRAS est poursuivi par le plus jeune des gardes et après une empoignade, le coup part, et il tue Jean Marie Joseph BENOÎT. D'un autre côté, c'est le garde Ernest Louis DUREAU qui essuie des tirs portés par Alexis FICHEPAIN. Jean Pierre, de son côté, n'est pas inquiété : il venait de tomber en voulant ramassé le faisan qu'il venait de tirer.
Jean Pierre est incarcéré provisoirement le 13 mars 1888, début de l'enquête officielle et est relaxé le 10 mai pour ce délit de meurtre. Mais, car il y a un mais, il retourne en prison le 18 mai pour une peine de 1 mois et 50 francs d'amende pour le délit de chasse en temps prohibé.
Le jugement a lieu et PPOIDRAS est condamné à la peine de mort, transformée en bagne à vie, FICHEPAIN est condamné aux travaux forcés et CHEVET, qui a tout de même été arrêté, écope de six mois de prison. Le motif de la prison est le même "chasse prohibée" mais il est aussi coupable par sa présence des violences sur gardes. Alors qu'il est "absent" son épouse accouche d'un garçon mort-né, le 12 décembre. Jean Pierre est donc libéré provisoirement le 17 et réintègre la prison le 23.
Au final, dans l'affaire de la Gaudinière, Jean Pierre a eu de la chance : que ce serait-il passé s'il n'était pas tombé ? Aurait-il, lui aussi tiré ?... Les garde-chasses étaient deux, les braconniers, trois, il a eu de la chance !...
Les années suivantes, Jean Pierre se tient sur ses gardes. Trois enfants naissent dans le foyer : Henri Louis, en 1890, Mathilde, en 1892 et Elise Renée Yvonne en 1894. La famille compte désormais dix enfants ! Heureusement, Jean Pierre marie une de ses filles : Louis Adolphine épouse le Emile François DUBOIS, le 14 juillet 1895.
En février 1896, naît et décède Fernand. La même année, le 4 juillet, Léa Delphine épouse Victor René DENIAU. La fratrie est ramenée à huit enfant. Jean Pierre achète deux nouvelles terres sur la commune de PEZOU. Pour autant, il n'a pas oublié la chasse, il n'a pas été surpris, c'est tout ! Mais en 1896, son démon le ramène en prison pour, cette fois, le motif de "chasse sans permis". Il écope d'une nouvelle peine de 2 mois et 50 francs d'amende. Il retourne en prison le 12 septembre 1896.
En 1897, il achète de nouvelles terres et le couple est propriétaire, en totalité, de
- 97 ares 08 de terres,
- 36 ares 09 de vignes,
- 3 ares 50 de bois,
- 21 ares 30 de prés.
Les mariages des enfants se succèdent :
- 1898, Onésime Marthe Aurélie épouse Arthur Ernest GOUJON,
- 1901, Pierre Léon épouse Marie Agnès POTHIER,
- 1908, Hyppolite Albert épouse Renée Marie Léonie POTHIER,
- 1911, Mathilde épouse Olivier Louis BILLET,
- 1912, Jules Adrien Pierre épouse Valentine Palmyre DUCLOUX.
Pendant ce temps, Jean Pierre et Marie Adolphine continue d'acheter des terrains sur la commune de Pezou. La Première Guerre Mondiale envoie tous les fils au front, mais tous reviendront…
1919, Henri Louis épouse Georgette Marie Joséphine TORRALBA. 1923, le couple CHEVET-EDECHASSE achète une maison qu'ils revendent l'année suivante. La maison sise sur le hameau de Bellessort devient la propriété de leur fils Pierre Léon : cession ? vente ?
La vieillesse atteint Jean Pierre. En 1924, il est déjà âgé de 73 ans. Braconne-t-il toujours ?... Le principal : il n'est pas arrêté ! Il s'éteint le 24 septembre 1934, dans son domicile à Lignières, à quelques kilomètres de la commune de Pezou.
Cet homme, Jean Pierre CHEVET avait suffisamment de moyen pour acheter des terres, terres qu'il pouvait exploiter comme les vignes ou les bois. Mais la nécessité alimentaire de sa famille devait le pousser à braconner pour avoir suffisamment… Ou aimait-il tout simplement braconner ! …