Challenge AZ : DENOYER Adrien, fusillé de la Première Guerre Mondiale…
Les fusillés de la Première Guerre Mondiale ne sont pas tous des criminels mais le Code de Justice Militaire en vigueur est rigoureux et le temps de guerre ne permet pas la "tolérance" de la part des autorités en présence…
S'il y a un homme qui ne voulait vraiment plus faire cette guerre, en 1916, c'est bien Adrien DENOYER !
Adrien DÉNOYER naît le 17 mars 1896 à La Coquille, en Dordogne. Il est fils de Jean, quarante-trois ans, cultivateur, et Marguerite MERLES, trente-trois ans, cultivatrice. Il est le troisième d'une fratrie de quatre enfants, tous des garçons nés à La Coquille :
- Louis, le 20 mars 1892,
- Henry, le 19 mars 1894,
- Julien, le 15 novembre 1902, décédé le 10 octobre 1906.
Les trois fils DÉNOYER ont un sacré tempérament ! Héritage familial ou rébellion envers l'autorité ?
L'aîné, Louis, est manœuvre à Bizerte, en Tunisie, au moment de l'appel de sa classe. Il est pourtant normalement recensé et sa fiche matricule le décrit ainsi : les cheveux noirs, les yeux marrons et mesurant 1,57 m. Louis a déjà eu des problèmes mineurs avec la justice en 1908 et 1909. Il s'engage pour quatre ans à la mairie de Périgueux, au titre du 26ème Bataillon de Chasseurs à pied le 31 mars 1910. Passé au 1er Régiment de Zouaves le 1er juin 1912, il est promu zouave de 1ère classe le 3 novembre 1913. Il est placé en disponibilité le 31 mars 1914 avec le certificat de bonne conduite. Louis est rappelé par l'Ordre de Mobilisation générale du 1er août 1914 e rejoint son régiment le 3. Il est condamné le 20 février 1915 à 17 ans de détention et 5 ans d'interdiction de séjour par le Conseil de Guerre de la 24ème D.I. pour "désertion à l'intérieur en temps de guerre et en présence de l'ennemi". La peine est suspendue pour la durée de la guerre. Il est "absent" du régiment du 11 au 15 décembre 1915, puis du 12 janvier au 1er février 1916. Blessé et évacué le 26 juillet 1916, il repart au front, pour être de nouveau blessé le 4 avril 1917.
Le 5 février 1918, à Paris, 16ème, Louis épouse Eulalie LAS, vingt ans, couturière. Il termine la guerre et est mis en congé illimité de démobilisation le 5 août 1919. En 1937, il réside à Issy-les-Moulineaux.
Henri, tout comme son frère, a des démêlés avec la justice avant son incorporation. Sa fiche matricule le décrit les cheveux châtains, les yeux marrons et mesurant 1,62 m. Il est incorporé le 3 septembre 1914 au 21ème Régiment d'Artillerie. Le 21 septembre 1914, il passe au 107ème Régiment d'Infanterie, puis au 68ème Régiment d'Infanterie le 5 janvier 1915.Blessé dans le dos par schrapnell le 25 mai 1915, il transite par le 90ème Régiment d'Infanterie le 19 septembre 1915 pour réintégrer le 68ème le 30 septembre suivant. Que s'est-il passé ?... Il est de nouveau blessé le 27 avril 1916 à la côte 104, par éclat d'obus à la jambe. Affecté au 45ème Régiment d'Infanterie le 30 décembre 1916, il est placé en congé illimité de démobilisation le 12 août 1919. Il décède le 1er décembre 1919, chez ses parents à La Coquille, en Dordogne des suites de "Tuberculose pulmonaire contractée aux Armées". Décédé trop tard, il n'est pas reconnu Mort pour la France !...
Adrien, le plus jeune… Mais pas le moindre ! Engagé volontaire de la classe 1914, il rejoint la 1ère Compagnie du 6ème Régiment d'Infanterie. Il passe les premiers mois de la Guerre, comme un bon soldat. Et puis, début 1916, il ne peut plus, il ne veut plus ! Le 13 mars, il est condamné par le Conseil de Guerre de la 123ème Division d'Infanterie à 10 ans de détention pour "désertion en présence de l'ennemi". Il repart au front pour peu de temps… Le 26 avril suivant, il est de nouveau condamné par le même Conseil de Guerre, pour le même motif, à 10 ans de détentions. Les deux peines sont suspendues pour la durée de la guerre. Et voilà que le 21 mai, moins d'un mois après avoir été condamné, il quitte son poste ! La Première Compagnie du 6ème Régiment d'Infanterie, se trouvant au bois de Bethelainville, reçoit l'ordre, vers une heure, d'aller occuper une tranchée de soutien à 400 mètres à l'ouest de l'Esnes. Denoyer suit jusqu'à cette tranchée mais, vers quatre heures, quand la compagnie occupe une seconde tranchée cent mètres plus en avant, il manque à l'appel. Il s'est reporté à l'arrière, a pris le train à Bar-le-Duc, est allé jusque Maintenon, dans le Loir-et-Cher [Eure-et-Loir, erreur dans le document]. C'est là qu'il s'est fait arrêter et conduire à la Place de Paris le 25 mai suivant. Le 20 juillet, le Conseil de guerre rend son jugement. Cette fois-ci, ce n'est pas de la détention mais bien la peine de mort, article 213 du Code de Justice militaire. Le lendemain, il forme un recours contre la décision. Le 8 août 1916, le Conseil de Révision de la 2ème Armée rejette les recours au vu des deux premiers jugements. En ce qui concerne le troisième, il estime que la contrainte par corps a été fixée au minimum contrairement à ce que préconise la loi du 22 juillet 1867. Les deux premiers jugements sont maintenus, le troisième est aussi maintenu, seule la contrainte par corps est cassée et annulée. Adrien DENOYER est fusillé le 15 août 1916 à Waly, dans la Meuse.
Adrien DENOYER savait qu'il risquait d'être fusillé, tous le savaient ! Alors, pourquoi a-t-il préféré risquer de mourir sous les balles françaises que sous celles ennemies ?... Mais, le dossier est mince : 24 pages. Il y manque le procès-verbal d'exécution par exemple… Etonnant !