Le 11 novembre …
Depuis le 11 novembre 2014, les poilus sont reconnus. Mais… Lesquels ?...
Tous cherchent à avoir UN poilu, LEUR poilu Mort pour la France. Mais je me pose souvent la question de connaître leurs réelles raisons… Qu'est-il plus important ?
Celui qui a fait la Guerre, qui est mort et qui n'a pas eu la reconnaissance "Mort pour la France" ?
Je vous rappelle le cas de Alphonse DEY, dégagé des obligations militaires depuis un peu plus de vingt jours s'est noyé… Noyade volontaire ou accidentelle ? Peu importe ! Il n'a pas reçu la mention. Donc, nous pourrions presque dire qu'il est classé dans la même catégorie que les déserteurs, sauf que, lui, il l'a faite la guerre !...
En effet, les déserteurs sont jugés et emprisonnés puis libérés à la fin de leurs peines. Rappel : un déserteur est celui qui refuse de rejoindre l'armée. Celui-là ne va donc pas au front.
Celui qui a fait la guerre, qui a été blessé (de quelle que façon que ce soit) et qui est mort "hors délai" ?
Pendant cette triste guerre, nombreux sont ceux qui ont gazés, blessés, horriblement blessés – les gueules cassées - ils ont vécu, survécu devrais-je écrire, et ils sont décédés hors les délais définis pour être reconnus Morts pour la France. Alors, ces soldats ont participé à toute la guerre, au moins pour la durée légale due à leur âge, ils ont souffert, dans leurs chairs comme dans leurs esprits. A leur retour, ils ont dû faire face à la triste réalité de leur vie interrompue : parler ? ne pas parler ?... Ils ont peut-être aussi encore souffert dans leurs chairs, et… ils sont décédés mais trop tard ! Ceux-là ont eu aussi le temps, peut-être, d'assister aux cérémonies où leurs camarades décédés étaient "vénérés" et eux, là, porte-drapeau, dans leur fauteuil, ou debout : RIEN ! Jamais…
Celui qui a fait la Première Guerre et qui a été en âge de repartir au titre de la Seconde ?
Eh oui, les plus jeunes sont partis plus tard, certes, mais, de fait, ceux qui sont revenus, pas trop cassés, ont été à nouveau en âge de faire la seconde. Quel courage ont-ils eu ! Ils savaient, eux, ce que représentait la Guerre. Ils savaient dans quelles souffrances ils allaient encore devoir combattre cet ennemi, le même que les deux précédentes guerres. Encore lui ! Mais que faisaient les politiques ?... Comment n'ont-ils pas pu empêcher cet autre conflit ?... Conflit bien dur et cruel aussi !
Celui qui a fait partie des pelotons d'exécution ?
Comment a-t-il fait sa guerre ? Lorsqu'il est rentré, à quoi a-t-il pensé ? Comment a-t-il pu survivre ? Pouvait-il en parler ? Pouvait-il raconter ? Aux trois dernières questions, je pense pouvoir répondre NON ! Personne ne pouvait comprendre qu'il obéissait aux ordres. D'autant plus qu'il était bien placé pour savoir ce qui arrivait à celui qui se rebellait !...
Celui qui a été fusillé ?
Des différences existent entre les fusillés : ceux qui ont trahi, ceux qui ont refusé de retourner au front, ceux qui ont quitté le front, ceux qui se sont mutinés.
Alors, si, dans votre famille vous avez un fusillé au motif de trahison, allez-vous en parler ? Allez-vous écrire sur lui ? Il ne me semble pas… Cela ne serait pas convenable… Je pense, au contraire, qu'il faut en parler. Les gens ne trahissent pas gratuitement ; ils trahissent pour un idéal, pour de l'argent, pour… survivre !
De même, si vous avez un ancêtre fusillé au motif d'abandon de poste devant l'ennemi, allez-vous en parler ? Là encore, la réponse est non ! Pourquoi ne pas le faire ? Pour les mêmes raisons que les familles de ces soldats pouvaient avancer en 1918 et les années qui ont suivi : par honte ! Mais honte de quoi ? A force de lire les dossiers de jugement de ces soldats fusillés, ceux qui sont en ligne, je me rends compte qu'ils avaient tous des raisons qui expliquent leur geste : la peur, un ou plusieurs frère(s) mort(s) ou prisonnier(s), un déséquilibre psychologique, la fatigue, la tristesse, le spleen quoi, et encore bien d'autres raisons… Mais l'armée n'étaient pas là pour écouter, elle était là pour les sanctionner afin d'éviter que leurs idées se propagent et que, bientôt, il n'y ait plus de soldats au front ! A coup sûr, nous aurions perdu la Guerre !
Les fusillés pour mutinerie, en 1917, eux, ont aussi servis d'exemple afin de faire comprendre aux autres qu'ils auraient le même sort s'ils ne rentraient pas dans les rangs. Comme l'armée ne pouvait pas les tuer tous, seuls certains ont été… "choisis"… La raison de l'armée reste la même que pour les autres fusillés : éviter de perdre et les soldats, et, donc, la Guerre !
Mais, aujourd'hui, du moins depuis le début du Centenaire en 2014, chacun chercher SON poilu Mort pour la France. Je rappelle cependant que chacun, chacune, nous ne pouvions avoir, au plus, que nos grands-pères (2) et nos arrière-grands-pères (4) engagés dans cette guerre. Alors, lorsque je lis les articles de certains qui se vantent presque d'avoir eu un nombre extravagant de Morts pour la France dans leur généalogie, je souris. Je souris car ils ne précisent pas qu'ils ne sont pas en lignée directe… Lorsque c'est le cas, bien entendu !
Pour ma part, je suis presque heureuse de dire que nos grands-pères étaient trop jeunes pour la Première et avaient des motifs pour ne pas faire la Seconde. Je suis heureuse de savoir qu'ils n'ont pas eu besoin de vivre avec tous ces terribles souvenirs, qu'ils ne soient pas Morts. Je suis heureuse d'avoir pu les connaître et les aimer… Notre grand-père paternel a bien connu la guerre habitant Vailly-sur-Aisne, commune de la zone du Chemin des Dames, ville occupée et fortement détruite… Notre autre grand-père demeurait à Paris, il a donc moins bien vécu la Seconde…
Bien sûr, je peux vous dire que j'ai des poilus qui sont décédés au cours de la Première Guerre Mondiale, mais ce sont des cousins, des oncles de nos grands-pères, voire même des "pièces rapportées"…
Alors, j'émets le souhait, qu'un jour, le plus proche possible, 2018 ? il puisse être parlé de ceux qui sont revenus, au moins autant que l'on peut parler de ceux qui sont Morts ! Qu'il y ait un mouvement populaire de bleuets comme au Royaume-Uni avec les poppies… Qu'enfin, ils rejoignent les 40 millions de victimes, civiles et militaires : 20 millions de morts, 21 millions de blessés