Félix Alfred LANGINIER, Médaillé Militaire, Chevalier de la Légion d'Honneur …
l y a les soldats qui meurent, ceux qui sont portés disparus, ceux qui reviennent avec des cicatrices autant psychiques que physiques… Pour Félix Alfred, ce sera un dur combat physique jusqu'à la fin de sa vie !
Félix Alfred LANGINIER naît le 13 juillet 1895 à Chassemy (02). Il est fils de Pierre Gustave, trente-neuf ans, manouvrier, et Joséphine BAILLY, vingt-cinq ans, sans profession. Il est le troisième enfant d'une fratrie de quatre, tous nés à Chassemy : Gustave Marcel, le 5 février 1891, Yvonne Virginie Julie, le 3 mars 1894, et Georges Léonce, le 6 septembre 1898.
Félix Alfred exerce la profession de maçon au recensement de sa classe, celle de 1915. Sa fiche matricule le décrit les cheveux blonds roux, les yeux gris et mesurant 1,68 m. Il est appelé à la Guerre le 17 décembre 1914 et est affecté le 155ème Régiment d'Infanterie. Sûrement après une période de formation, il rejoint le front le 7 juillet 1915, il est dans la 28ème Compagnie.
Sa vie bascule le 2 août 1915, à Marie-Thérèse, en Argonne ! Il est blessé à la jambe gauche par des "éclats de pétard" fracture du tibia, plaies multiples ! Pas besoin de détailler ses blessures – fiche matricule n° 531, classe 1915, Bureau de Soissons, AD02 – pour comprendre qu'il ne retourne pas au front.
Le secteur de Marie-Thérèse correspond à La Harazée, dans la Meuse. Secteur ô combien encore marqué, un siècle plus tard…Le 155ème Régiment d'Infanterie occupe les positions. Le Journal de Marche et des Opérations relate l'activité du régiment et dit : "2 août - Jusqu'à 12 heures, bombardement habituel par gros projectiles avec une accalmi entre 10h30 et 11h30. A 12h30, sur tout le front du sous-secteur de Marie-Thérèse droite, un jet de liquide enflammé tombe dans la tranchée de 1ère ligne en même temps que l'artillerie allemande fait rage ; toutes les parties boisées prennent feu en même temps que se dégage une fumée intense et suffocante qui oblige les hommes à reculer. La retraite s'exécute pied à pied dans les boyaux d'accès en construisant des barrages successifs que l'ennemi attaque chaque fois en faisant usage de gaz enflammé. Les contre-attaques menées vigoureusement sur l'initiative des Commandants de Compagnies ont pu permettre de reporter nos barrages en avant et de mettre la ligne 1N tout à fait à l'abri des pétards. A 16 heures, on a perdu F4 depuis son raccord avec la tranchée des Pionniers jusqu'à F3, tout F3, F2 et F2 jusqu'au boyau Lancel qui reste entre nos mains. – En même temps, l'attaque allemande se prononçait sur le sous-secteur de gauche (Bataillon Laflotte) faiblement sur F5, plus violemment sur les barrages E, F et G. En F6, la 11ème Compagnie maintient intégralement son point jusqu'à 14 heures, la 12ème Compagnie, en F7, résiste jusqu'à 18 heures. – Les Allemands, employant alors leurs gaz enflammés, enlèvent aux heures ci-dessus les barrages de F5, F6 et la tranchée nouvelle dans F7 […] Les pertes de la journée : 18 tués, 229 blessés et 83 disparus".
A la lecture de ce passage du JMO du 155ème R.I., je ressens l'intensité du feu, je respire cette odeur âpre et âcre de fumée, j'ai chaud de cette chaleur dégagée par les gaz enflammés… Je pense aussi à ces "disparus" qui ne sont peut-être pas morts de suite… Félix Alfred fait partie des blessés : combien ont été aussi terriblement blessés que lui ?... Combien sont décédés des suites de leurs blessures ? Alfred Félix aura la "chance" de rentrer chez lui, certes, en piteux état, mais au moins, pour lui, c'est fini. Il est près des siens…
En 1917, il se retire à Nanterre. Le 9 mars 1918, il épouse Marie DESSAINT, native de Crèvecœur-sur-l'Escaut, dans le Nord.
Il reçoit la Médaille Militaire le 16 juin 1920. Le 3 juillet 1958, il est âgé de soixante-trois ans, lorsque l'Etat français lui accorde une pension d'invalidité du taux de 100%. Est-ce là aussi que l'Etat prend conscience qu'il faut honorer les soldats de la Première Mondiale, les vivants et non pas seulement les Morts, enfin, ceux inscrits sur les Monuments ? Toujours est-il que ce même jour du 3 juillet 1958, Félix Alfred LANGINIER est promu Chevalier de la Légion d'Honneur. Le 30 août 1959, la décoration lui est remise par M. Auguste LOBRY, Président de l'U.N.C. (Union Nationales des Combattants).
Félix Alfred LANGINIER décède le 9 mai 1965 à Belleu (02)