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Antequam... la généalogie !
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  • La généalogie vue autrement... Antequam, Christiane MENOT, est une généalogiste familiale professionnelle qui n'oublie pas ses trente années d'expérience en tant que généalogiste amateur...!
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20 avril 2022

Eugène François TURPIN et la mélinite …

TURPIN - portrait

Je suppose que vous ne connaissez pas M. TURPIN et que vous ne savez pas ce qu'est la mélinite… Pour être honnête, sans mes recherches sur les soldats de la Première Guerre Mondiale, j'étais comme vous !

Eugène François TURPIN naît le 30 septembre 1848 à Paris et est fils de Jean François, 33 ans, ancien militaire, commerçant, et Eugénie Malvina SLAMBROECK,  28 ans, sans profession. C'est la Guerre de 1870 qui a fait réfléchir Eugène François sur les poudres et autres armes employées par l'Armée français en général et l'Artillerie en particulier.

C'est le décret du 12 décembre 1885 qui proclame le Brevet d'invention d'Eugène François TURPIN sur "l'application des propriétés explosives de l'acide picrique du commerce aux usages industriels et militaires. Le Brevet est accordé pour une durée de quinze ans.

 L'acide picrique – la mélinite – quitte donc le monde des jouets pour être utilisé dans l'industrie et, surtout, dans les Armées. Jusqu'alors, la substance explosive utilisée est le fulmicoton : action de l'acide nitrique sur une cellulose de coton préalablement blanchie. M. TURPIN explique au Ministre de la Guerre et à divers Généraux les inconvénients du fulmicoton. "Le coton-poudre comprimé n'a qu'une densité de 1.00 environ et contient en plus 30 % d'eau, tandis que la densité de l'acide picrique, qui offre une sécurité et une stabilité absolues, est de 1,70, c'est-à-dire qu'un projectile dont la capacité serait de dix litres, contiendrait dix kilos de coton poudre et trois kilos d'eau, tandis qu'il contiendrait 17 kilos d'acide picrique, c'est-à-dire de matière active".

TURPIN - Brevet 1885

Après bien des échanges et tractation entre Eugène François TURPIN et le Ministère de la Guerre, un traité est signé en guise d'accord entre les parties le 29 décembre 1885.

"Le Ministre de la Guerre déclare que son administration et celle de la Marine et des Colonies, se proposent de faire continuer les expériences entreprises sur l'emploi de l'acide picrique et, s'il y a lieu, d'adopter cette substance pour divers usages militaires, désirent régler, dès à présent, d'une façon définitive, toutes les questions qui pourraient naître de la revendication de droits que M. Turpin peut tenir dudit brevet tel qu'il se poursuite et se comporte. […] Moyennant une somme de deux cent cinquante-et-un mille francs que le Ministre de la Guerre, ès-noms, qu'il s'agit, s'oblige à payer à M. Turpin, ce dernier renonce, en tant que de besoin, à toute réclamation au sujet de l'emploi que l'administration de la Guerre et celle de la Marine et des Colonies pourraient faire de l'acide picrique. […] Il est entendu que la renonciation ci-dessus ne s'applique pas aux consommations afférentes aux travaux non militaires. […]"

Le traité aurait dû, selon la loi, être publié de suite sur les registres de la Préfecture de la Seine, mais, pour garder le secret sur l'ennemi, il a été décidé, par le Ministre de la Guerre d'attendre une dizaine de mois. Eugène François ne peut donc pas faire connaître son procédé : il doit attendre !... Ce délai est surtout mis en place pour empêcher M. TURPIN de vendre son procédé à l'étranger. Ah… la politique ! Pour l'apaiser, en plus de la somme rondelette reçue, le Ministre de la Guerre élève Eugène François TURPIN au rang de Chevalier de la Légion d'Honneur le 13 février 1886.

TURPIN - LH

 Deux entreprises se mettent à produire l'acide picrique en grande quantité :

  • La Maison BILLAULT, place de la Sorbonne, a fait construire à Malakoff une usine spéciale pour la fabrication de l'acide picrique. Elle a fourni environ un million de kilogrammes, à 4 francs le kilo, au Ministère de la Guerre.
  • La Maison GUINON a dû remplacer, à Vongnes, en remplacement de la fabrication de la dynamite, la fabrication de l'acide picrique

Certains s'inquiètent de cette progression fulgurante des explosifs : "Que deviendra la guerre si l'on continue à découvrir de pareils engins plus formidables les uns que les autres ? plus formidable que la dynamite et, détail absolument rassurant pour les artilleurs, d'un maniement facile et peu dangereux".

TURPIN - atelier

M. TURPIN fait des calculs et constate qu'avec des "si" et sans ce traité, il aurait été beaucoup plus riche. Il estime que l'état a dépensé 46 000 000 francs à la mise en œuvre de son invention. S'il avait reçu dix pour cent de cette somme, il aurait été riche de 4 600 000 francs. La population française étant de 36 millions d'habitant, il aurait perçu environ 13 centimes par habitants.  Il calcule en fonction de ce qui lui a été versé, 250 000 francs et constate que cela fait un rapport de 0,006 centimes par personne. Logiquement, selon ses calculs, Eugène François TURPIN se sent floué !... D'autant que l'état a donné 1 500 000 francs pour la Tour Eiffel, a acheté L'Angelus de Millet, 350 000 francs, etc.

Et puis, en 1891, le scandale arrive avec une affaire d'espionnage. Dans son ouvrage, "Comment on a vendu la mélinite", publié par la maison d'édition Savine, Eugène François TURPIN dénonce, dans la première partie, la trahison d'Emile TRIPONÉ, représentant de la maison anglaise Armstrong à Paris, et Capitaine au 7ème Territorial de Besançon, lui aussi, Chevalier de la Légion d'Honneur. Dans la seconde partie de l'ouvrage, malheureusement pour lui, il dénonce le traité signé et estime qu'il s'agissait seulement d'une "location de son brevet" pendant dix mois et que, désormais, tout lui revient !

C'est ainsi que, le 25 mai 1891, la justice envoie la police saisir les 1355 ouvrages déposés chez l'éditeur et fait arrêter les deux hommes. Le 17 juin suivant Eugène François est condamné à deux années de prison et 2 000 francs d'amende pour infraction à la loi sur l'espionnage. Le jugement, confirmé par la Cour d'Arrêts le 11 août même année est suivi du rejet du Pourvoi en Cassation du 25 septembre.

Eugène François TURPIN, incarcéré à la prison d'Etampes, se voit aussi signifié qu'il est rayé des matricules de la Légion d'Honneur pour les motifs invoqués dans son jugement. Le 11 avril 1893, M. SADI-CARNOT, Président de la République, accorde la grâce de sa condamnation à M. TURPIN. Le lendemain, ce dernier "levé à quatre heures du matin, rassembla rapidement tout ses papiers, signa aussi promptement que possible le registre d'écrou et à cinq heures dix, il était dehors […]"

Eugène François TURPIN s'éteint le 7 janvier 1927, dans son domicile, à Pontoise. Il a eu le temps de connaître les effets de son invention utilisée en temps de guerre. A-t-il eu des remords ? des regrets ?...

Comment on a vendu la mélinite : avec 18 lettres autophototypographiées et 5 planches / Eugène Turpin...

Comment on a vendu la mélinite : avec 18 lettres autophototypographiées et 5 planches / Eugène Turpin... -- 1891 -- livre

https://gallica.bnf.fr

 

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