Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Antequam... la généalogie !
Antequam... la généalogie !
  • La généalogie vue autrement... Antequam, Christiane MENOT, est une généalogiste familiale professionnelle qui n'oublie pas ses trente années d'expérience en tant que généalogiste amateur...!
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 226 830
2 novembre 2018

Challenge AZ : BOTTÉ Charles Ange, fusillé de la Première Guerre Mondiale…

 

Les fusillés de la Première Guerre Mondiale ne sont pas tous des criminels mais le Code de Justice Militaire en vigueur est rigoureux et le temps de guerre ne permet pas la "tolérance" de la part des autorités en présence… Le dossier de Charles Ange BOTTÉ est indissiocable de celui de Henri Auguste CAMIER, puisque les deux soldats ont agi ensemble et, de ce fait, sont condamnés ensemble.

BOTTE Charles Ange - Jugement

Charles Ange BOTTÉ naît le 10 juin 1895 à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône. Il est fils de de Verain, trente-trois ans, marin, et Landa Angela TADDEI, vingt-neuf ans, sans profession. La suite du dossier indique qu'il a au moins deux frères, voire même une ou plusieurs sœurs, mais…

BOTTE Charles Ange - lettre fils 2

Le 10 janvier 1914, Charles Ange BOTTÉ s'engage pour cinq ans à la mairie de Montpellier, dans l'Hérault. Il est chez une tante, avec sa mère et …. Jeannette, et écrit à son père, en ces termes :

"Me voici sorti de tout embarras et prêt à faire mon devoir de français, parce que c'est le seul chemin que j'ai à prendre "anti patriote en temps de paix ! mais patriote en temps de guerre, car français je suis et honneur je m'en fais. Il faut que j'aille pousser une visite à ces sales boches et c'est la seule chose que j'ai à faire pour racheter mes fautes commises et nul ne pourra me reprocher quoi que ce soit. Ma peine est suspendue parce que je pars au feu. J'implore le pardon d'un père. Pas de mauvais sang, prends courage car j'en fais de même".

Il arrive au 7ème Bataillon de Chasseurs à pied, à Draguignan, le 12 janvier 1914. Il écope, le 26 mars, d'une petite peine – 4 jours de consigne – pour s'être couché sur son lit avec les brodequins". Le 5 avril suivant, il manque à l'appel suivant au soir !... Il est déclaré déserteur le 6 mai 1914.

 Ayant changé de nom, Charles Ange ne pouvait pas être rattrapé par l'armée. Mais, le 29 décembre 1914, il est condamné à trois mois de prison par le Tribunal de Marseille pour usurpation d'identité. Sûrement remis aux autorités militaires, Charles Ange écope d'une autre peine le 5 janvier 1915 : 5 ans de travaux publics par le Conseil de Guerre de Marseille. Est-ce un mauvais garçon ?

BOTTE Charles Ange - antécédents

 

Le 6 mars 1915, Charles Ange et Henri Auguste, alors qu'ils faisaient le service en salle, sont arrêtés à Cornimont, dans les Vosges. Ils logent chez Madame SINGER qui titent un café- boulangerie, au lieu-dit Le Gollet. Les deux hommes font des aveux spontanément. Ils appartiennent à la 1ère Compagnie du 7ème Bataillon et sont déserteurs depuis une quizaine de jours, ayant quitté leur régiment dans la région de Weiller. Henri Auguste porte son livret militaire sur lui, et Charles Ange non. Il dit d'ailleurs s'appeler Charles PONTET.  Naturellement, Mme SINGER et sa sœur, interrogées, avouèrenet ne rien savoir de l'affaire et qu'elles ne les avaient accueillis que parce qu'elles avaient reçu l'un d'eux et son frère avec des titres de logement lors d'un passage précédant du régiment.

Les deux soldats passent en jugement dès le 7 mars 1915 et sont déclarés, unanimement, coupables de désertion en présence de l'ennemi. Le Conseil de Guerre spécial les condamnent à 20 ans de détention.

 BOTTE Charles Ange - 20 ans

Le 8 mars 1915, le Général SERRET, Commandant la 66ème Division d'Infanterie suspend la décision du jugement prononcé par le Conseil de Guerre spécial du 7ème Bataillon de Chasseurs : condamnation à 20 ans de détention pour "désertion en présence de l'ennemi". Il confirme aussi la mutation des deux soldats au 13ème Bataillon de Chasseurs Alpins.

Le 11 mars 1915, un sous-officier du 13ème Bataillon de Chasseurs Alpins vient chercher les deux soldats à la prison de Wesserling pour les emmenés au cantonnement de Bischwiller.

Arrivé vers 16 heures, Charles Ange est équipé et armé. Vers 19 heures, en compagnie de Henri CAMIER, il quitte, sans autorisation, le cantonnement et se dirige vers l'arrière. Vers 23 heures, les deux compères sont arrêtés par les douaniers au col d'Oderen. Le lendemain, ils étaient remis aux autorités de gendarmerie à Kruth. Interrogés, les deux hommes donnent une explication peu plausible "aller chercher du linge qu'ils avaient laissé à Ventron" : le Bataillon n'a jamais cantonné à Ventron ! Charles Ange raconte qu'il a emporté sa tenue, celle qu'il a sur lui, et laissé ses armes et son équipement à l'usine de Bischwiller où il est cantonné. Il dit aussi qu'il a marché tout le temps, jusqu'à l'arrestation par les douaniers. A la question "Pourquoi ne pas avoir demandé l'autorisation d'aller chercher votre linge ?", il répond "Parce qu'on me l'aurait refusée !".

Il est donc à nouveau écroué avec son comparse, Henri CAMIER.

Les deux hommes passent donc à nouveau devant le Conseil de Guerre et sont accusés "d'abandon de poste en présence de l'ennemi". Le témoignage du Commandant Hellé, Commandant le 7ème Bataillon, est accablant pour les deux hommes "Botté et Camier sont de mauvais chasseurs, de mauvais soldats, qui n'ont pas su profiter de la mesure de clémence du Général commandant la 66ème Division […]". Le Conseil de Gurerre spécial du 13ème Bataillon de Chasseurs Alpins séant à Silberloch rend son jugement le 15 mars 1915 et déclare, à l'unanimité et selon l'article 213 du Code de Justice Militaire, que Charles Ange BOTTÉ est coupabe d'abandon de poste devant l'ennemi.  Il déclare aussi que le soldat est condamné à la peine de mort.

La défense demande un nouveau sursis en indiquant que les Charles Ange et Henri Auguste demandent à être envoyés au front pour "mourir dignement sous les balles allemandes et non sous celles françaises". Cette fois-ci, le Général SURRET ne fait preuve d'aucun indulgence et, le 15 mars 1915, signifie le refus de sursis. Les deux hommes seront exécutés conformément au jugement initial rendu.

Le 15 mars 1915, à Silberbach, à 16 heures, Charles Ange BOTTÉ et Henri Auguste CAMIER sont amenés librement par la garde police sur le lieu de l'exécution, la cote 908, sur la route du Herrenfluh[1]. Ils font, seuls, les quelques mètres qui les séparent des arbres qui leur ont été indiqués. Les yeux sont bandés, c'est ainsi qu'ils entendent la lecture du jugement qui les condamnent à la peine capitale. A 16h10, le peloton d'exécution fait feu, les hommes tombent…

En mars 1915, alors que la famille de Charles Ange BOTTÉ réside à Port-de-Bouc, dans les Bouches-du-Rhône, madame BOTTÉ, mère, reçoit la visite du maire de la commune lui annonçant le décès de son fils "tué sur le front". Quelque temps plus tard, elle reçoit aussi une somme de 150 francs pour "prendre le deuil". Elle a aussi reçu l'allocation d'une mère pour un fils tué à l'ennemi et une pension a été accordée. Au milieu de l'année 1920, Mme BOTTÉ ne perçoit plus ni l'allocation ni la pension. A la suite de quoi, elle contacte le régiment et apprend que son fils n'est pas Mort pour la France.

Verain BOTTÉ, père de Charles Ange, décède le 19 juillet 1918 à Marseille. L'Armistice est signé le 11 novembre de la même année, la vie reprend. Les années passent…

Le 1er mai 1922, Madame Angèle BOTTÉ, mère, demande donc tout naturellement la révision du procès de son fils Charles Ange. Elle reste persuadée d'un malentendu.

"Monsieur le Ministre, je sollicite de votre bienveillance la réhabilitation de mon fils Charles Ange Botté, vu que la réponse de son Corps dit qu'il n'est pas Mort pour la France, pour qui il est mort ? vu qu'il est allé au combat. Je ne puis me l'expliquer. Je suis une pauvre veuve n'ayant que la ressource d'un enfant de 17 ans et un de 13 ans, faible d'esprit. Ayant touché toute l'allocation et un titre provisoire de pension pendant trois trimestres et au quatrième on me le retire alors je ne peux présumer que mal de mon fils. Donc c'est à vos genoux, Monsieur le Ministre, que le cœur d'une mère implore son pardon vu son jeune âge et sa faiblesse qui a dû être entraîné et c'est avec tristesse et le cœur gros et les yeux plein de larmes que je me prosterne à vos genoux."

"Monsieur le Procureur général de Grenoble, j'ai l'honneur de vous donnez les renseignements sur les sentiments de mon cher enfant âgé de 19 ans tombé sous la mitraille à l'Hartmannswillerkopf. Mon fils à toujours été courageux pendant cette guerre, d'ailleurs, je joins à ma lettre, une lettre de lui qui donne idée de son courage et de son sang-froid. Je suis vieille, âgée de 57 ans, j'ai un enfant de 18 ans commis soutien de famille et un de 14 ans, ce dernier touché de ses facultés mentales. Je compte sur votre bonté pour avoir une réponse favorable".

Un procès en révision est donc ouvert, à Grenoble, Isère, le 17 juillet 1922. Le 1er septembre 1922, le couperet tombe une seconde fois : le Parquet de Grenoble "Il n'y a pas lieu d'admettre la demande en révision" !

A la lecture des relevés de punitions de Henri CAMIER et de celui de Charles BOTTÉ, il est clair que les deux hommes n'avaient en commun que la haine de l'armée et de la guerre. Charles Ange paraît avoir suivi son compagnon d'armes, par "faiblesse" ? Il est impossible de répondre à cette question, seule fait réel : la tristesse de la mère… Une question cependant : a-t-elle demandé réparation pour pouvoir percevoir à nouveau les allocations ou vraiment pour la réhabilitation de son fils ?...



[1] Massif des Vosges

Publicité
Commentaires
M
Je me suis laissée prendre par l'histoire ...
Répondre
G
Quelle froide rigueur administrative de l'armée devant la plainte désespérée d'une mère !
Répondre
Archives
Publicité
Publicité