Madame Gabrielle Marie LEMER née FLINOIS, portée disparue civile de la Première Guerre Mondiale…

Lors d'une recherche dans les archives de la Croix Rouge Internationale, j'avais noté le nom de deux portées disparues civiles : Madame LEMER H., de Lille (59), et Madame LEMAIRE, de Sedan (08) …

Je retourne donc sur le site pour faire de plus amples recherches, aujourd'hui, sur Madame LEMER H. Maigres informations données par sa fiche de la Croix Rouge : c'est une simple fiche où il est noté que personne n'a de ses nouvelles depuis sa déportation. Je suis intriguée par ce qui est écrit sur la personne qui demande des nouvelles : "Hubert LEMER, soldat au 91^ème R.I., 4^ème Cie – grièvement blessé, en soins à l'Hôpital n° 54 de Vichy – Mlle Jeanne DEMONT, infirmière audit hôpital".

Je commence donc par les recherches sur le soldat. Hubert Jules LEMER est né le 19 février 1885 à Lille (59). Il est le fils de Pauline Alphonsine ENGRAND ; il est légitimé par le mariage de sa mère et Philibert Eloi LEMER, le 13 juin 1885. Il a déjà un grand frère, Louis Joseph, né le 24 janvier 1881. Cinq autres enfants viennent agrandir la famille : Marie Louise, née le 22 novembre 1886 et Gustave Auguste, né le 21 novembre 1888, Edouard Jules, né le 5 avril 1895, Achille, né le 6 août 1896, et Auguste jOspeh, né le 7 avril 1899. Tous sont nés à Lille.

Lors de son recensement militaire, il exerce la profession de "rattacheur". Il a une petite fille, Marthe Augustine, née de Gabrielle Marie FLINOIS, le 6 janvier 1906 à Lille et est incorporé le 8 octobre 1906 au 148^ème Régiment d'Infanterie. A la fin de son service, le 25 septembre 1908, il est renvoyé dans ses foyers avec le certificat de bonne conduite. L'année suivante, le 9 février, il épouse la mère de sa fille, à Lille. Sa seconde fille, Suzanne Albertine, naît le 17 juillet 1909.

Hubert Jules est rappelé par l'Ordre de Mobilisation générale du 1^er août 1914 et rejoint le 148^ème R.I. le 3. Son plus jeune frère, Edouard Jules, juste âgé de vingt ans, est fait prisonnier à Calonne le 24 avril 1915. Est-ce que Hubert Jules sait dans quel camp se trouve son frère ?... Le 24 septembre de la même année, il est affecté au 91^ème Régiment d'Infanterie le 24 septembre 1915. L'année suivante, 1916, Hubert Jules apprend le décès de son autre frère, Gustave Auguste, Mort pour la France, le 25 mars, puis la grave blessure de son autre frère, Achille, le 20 mai ! Hubert Jules est toujours en service, le 23 septembre 1916, il est affecté au 415^ème R.I.

Après avoir tenu encore trois longues années, Hubert Jules est enfin mis en congé illimité de démobilisation le 18 mars 1919, affecté au Dépôt du 46^ème Régiment d'Infanterie à l'Annexe de l'Ecole Militaire.

Hubert Jules et sa famille s'installent 17, rue des Taillandiers, à Paris. Marthe, la fille aînée se marie en 1924, à Paris. Hubert, sa femme, Gabrielle, et sa fille, Suzanne, déménagent à Mitry-Mory, en Seine-et-Marne, en 1930. L'année d'après, Suzanne se marie à son tour.

La vie s'écoule et Hubert Jules décède à Mitry-Mory le 28 juillet 1952. Gabrielle Marie le rejoint, vingt-huit ans plus tard, le 5 juin 1980…

Résumée comme cela, la vie de Hubert et Gabrielle paraît tranquille, hormis le passage de la guerre, avec la déportation de Edouard Jules, et le décès de son jeune frère, Gustave Auguste, la blessure handicapante d'Achille … Pourtant…

Hubert Jules "grièvement blessé", ce n'est pas rien ! Mais, aucune trace dans sa fiche matricule ! A-t-il eu des séquelles ? A-t-il une autre fiche matricule ?... Où était Gabrielle Marie pendant la guerre ? La Croix Rouge a-t-elle eu d'autres renseignements ? Etait-elle prisonnière ou simplement réfugiée dans un autre département ?...

Je suis heureuse et triste à la fois ! Heureuse, car, visiblement, Hubert et Gabrielle ont pu s'aimer, se marier, et vivre de longues années ensemble… J'aurais aimé rencontrer Gabrielle pour qu'elle me raconte son histoire. Il n'est jamais trop tard pour savoir, elle en a peut-être parlé à ses petits-enfants ?... 

La vie est faite de belles rencontres, qu'elles soient virtuelles ou réelles ! J'ai contacté, par le biais de Généanet, une arrière-petite-fille de Hubert Jules LEMER, Joëlle C. et c'est tout simplement et naturellement qu'elle m'a accompagnée dans ces recherches afin de mieux les compléter. Nous sommes donc toutes deux d'accord avec ce qui est écrit ci-dessus et elle va, peut-être, pouvoir nous donner d'autres informations en interrogeant son père…

Comments

[Jo-Elle]

Limoges m'a répondu ;

Hubert Jules est resté quelques mois à Vichy à l'hôpital 54.

D' avril à août 1916.

Raisons de son hospitalisation : grande faiblesse, embarras gastrique...

Pas de trace de blessure grave comme indiqué sur le papier de la Croix-Rouge...

Sur l'historique du 91ème RI, pour cette période ils parlent de froid, pluie, neige.. de tentes à l'arrière

[Antequam]

Merci beaucoup Joëlle pour toutes ces précisions. J'espère que cela n'a pas apporté de la peine à votre papa mais plutôt le plaisir de savoir qu'il avait une grande famille... A bientôt !

[Joëlle C]

Bonjour,

Voici le compte-rendu de ma visite auprès de mon père. Son grand-père n'a jamais parlé de cette guerre vécue, autour de lui et postérieurement. Mon père n'a pas le souvenir de l'avoir entendu parler d'une blessure quelconque à quelque partie de son corps visible ou non... ( et il a été pratiquement été élevé par eux car gardé en semaine quand ses parents travaillaient à Paris)



Sa conclusion est que "Cette génération ne parlait de rien, du moins pas du tout de la guerre". Son grand-père n'a jamais parlé de l'existence de ses frères en famille ( à sa fille, ma grand-mère), et mon père ignorait qu'il en avait tant.... Il n'est jamais retourné à Lille.



J'ai connu Gabrielle ( j'avais 23 ans à son décès). C'était une personne renfermée, un tout petit bout de femme. Il me revient que nous n'étions de 5 personnes à son enterrement à 94 ans, loin de chez elle, décédée dans un hôpital de banlieue parisienne...



Ce qui est sûr c'est que mon père a toujours parlé de Hubert Jules et avait beaucoup de tendresse pour lui. Je suis l'aînée de ses enfants, si j'étais née garçon, j'héritais de ce prénom; c'est mon frère né moins de 2 ans plus tard qui l'a reçu... une certaine constance dans le choix et la décision de notre père.



Toutes les personnes de cette branche de mes aïeux, originaires du Nord sont en grande majorité des enfants naturels et sur plusieurs générations. Si Hubert et Gabrielle ( tous deux enfants naturels) avaient une relation suivie pour la naissance de Marthe, pourquoi ne se seraient-ils pas mariés ou lui ne l'aurait-il pas reconnue de suite ? Pour ce qui est de la 2ème naissance, le mariage a été retardé du fait de l'envoi de lettres respectueuses et du refus des parents de Jules à ce mariage. Gabrielle était juste au début de sa grossesse lors de la publication des premiers bans. Du fait du retard causé par les parents de Jules, le mariage ne s'est déroulé qu'au cours du 4ème mois de grossesse.Et sans ses parents... non consentants....



Je me dois d'aller à Lille retrouver ces lettres respectueuses si elles sont archivées.



Je vais aussi contacter Limoges pour avoir plus de renseignements sur le soldat Jules et ses blessures. Par contre j'ai appris que le 415ème RI était une bataillon "sanitaire".



En tous cas merci pour ce bout d'histoire et d'Histoire qui m'a permis d'avoir quelques lignes (et un frère) de plus, à la généalogie de Hubert Jules



Bien cordialement

[Joëlle C]

Oui bien-sûr. ma frappe m'a trahie.... je me disais de plus " Ils l'ont remis sur pied à Vichy et ils l'ont renvoyé au Front !"



Cette photo a peut-être été faite à sa demande. D'avoir vu la mort de près, il a voulu se faire photographier en famille avant de repartir...

Il faut que je regarde de près où elle a été prise; Lille ou ailleurs ?

[Antequam]

Bonjour Dominique, Très belle déduction... Merci de votre perspicacité Christiane